Madame Pressée

Madame Pressée est notre voisine. Elle est toujours pressée, essoufflée, fait de grandes enjambées pour traverser la route ou pour aller à la pharmacie. Quand elle fait ses courses, elle ne dit même pas bonjour, et ne s’arrête jamais, si une amie veut lui serrer la main. Pour rester courtoise, elle explique  : « Si on s’arrête chaque fois pour serrer la main à quelqu’un, notre journée n’aura pas de fin », et passe son chemin comme une furet…

 Quand elle va au marché, elle ne dit même pas bonjour ; aussitôt arrivée, elle commence à mettre dans des sacs : pommes de terre, tomates, carottes, pommes, cerises, et demande au commerçant combien elle lui doit, en lui tendant un billet et se retournant déjà pour s’en aller. Elle ne récupère jamais sa monnaie, ne met jamais dans son panier tout ce qu’elle achète, et souvent madame Pressée oublie  un sac sur l’étalage.

Elle passe chez la boulangère avec des pas rapides, et dès qu’elle franchit la porte du magasin, elle tend son billet sans sourire, et demande : « Un pain, comme d’habitude… »,  si la commerçante la questionne : « Coupé ? », elle fronce les sourcils et réplique : « ne pas se faire répéter, évite d’être embêté », et prend son pain d’un geste machinal, sort du magasin sans prendre sa monnaie.

Sur le chemin du retour, elle ne s’arrête jamais pour discuter avec une connaissance ou saluer qui que ce soit. Si une personne essaie de l’aborder, elle la renvoie gentiment, avec des proverbes qu’elle invente suivant les circonstances : « bavarder dans la rue, provoque l’imprévu… »

Quand elle rentre chez elle, elle dépose vite ses courses pour faire à manger, rince les légumes, se rappelle qu’elle a oublié les tomates chez le marchand, et ressort en pensant : « retourner chez le marchand est une perte de temps ».

 Elle revient chez elle, se lance dans la cuisine, prend un économe, et saisit une carotte. Après un bref instant, elle la repose, et chuchote : « laver son linge avec délicatesse est une sagesse ». Elle remplit la machine à laver, met la lessive, branche l’appareil, mais oublie d’appuyer sur le bouton. Une autre fois, elle se presse dans la cuisine en articulant : « choisir des légumes juteux, c’est manger un repas délicieux ». Elle prend la pauvre carotte dans la main, et après quelques épluchures, elle renonce à ce qu’elle fait, se précipite vers la boite aux lettres en pensant : « il faut regarder à temps le courrier, pour qu’il ne soit pas oublié ».

Elle revient dans la cuisine, soulagée qu’il n’y a aucun message urgent, et reprend son activité. De nouveau, elle pose ce qu’elle a dans les mains, et se dirige vers la salle à manger en affirmant : « ranger la salle, c’est garder le moral ». Elle dépoussière les bibelots, sort l’aspirateur, le branche, le passe sur un ou deux mètres, puis le repose pour rentrer les vêtements en soufflant : « oublier le linge dehors est une horreur ». Elle le met sur le canapé, et revient à la cuisine. Les pauvres légumes l’attendent paisiblement sur le plan de travail. Elle saisit une pomme de terre, puis la pose en murmurant : « le repassage élimine les plissages », et va brancher le fer à repasser, sans débrancher l’aspirateur, et sans appuyer sur le bouton de la machine à laver.

Elle entend le chat miauler, et va remplir la gamelle de croquettes en disant : « chat bien nourri, chat joli », et revient pour préparer le repas. Puis elle fait une petite grimace, et se retourne en pressant le pas dans les escaliers. Elle ouvre les fenêtres en répétant  : « chambres aérées, maison raffinée ». 

Elle descend et emprunte le vestibule. À l’embrasure de la cuisine, elle s’arrête, se rappelle qu’elle n’a pas appuyé sur le bouton de la machine à laver, n’a pas débranché ni l’aspirateur ni le fer à repasser, et fait demi-tour en déclarant : « les appareils électriques peuvent provoquer un drame en un clic ».

Puis elle retourne vite dans la cuisine, prend le couteau, et entend retentir la sonnette. Elle annonce en pressant le pas pour ouvrir : « qui sonne à n’importe quelle heure risque d’être accueilli comme un voleur ». Elle ouvre la porte. « Nous avons une faim de loup maman, qu’est-ce que tu nous as préparé  ? » Les enfants sont déjà de retour de l’école !

 

  • Auteure : Rmili Fatiha
  • Illustration : Hamza 
  • Date de parution : 19/03/2017
  • Thème : L’organisation
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