Une générosité mensongère

Dans notre paisible village, où le soleil se lève tardivement, et se couche peu après le repas de midi, vivait madame Vilaine.

Madame Vilaine était de mauvaise foi, austère et se méfiait de tout le monde, même de son chat, et surveillait constamment son canari, qu’elle enfermait à double tour dans une toute petite cage. Très avare, elle ne donnait rien, mais acceptait tout ce qu’on lui offrait. Elle était pire que le père d’Eugénie Grandet. .

Un jour qu’elle empilait les boites de conserve dans la cave, elle s’aperçut qu’une boite de cassoulet datait quand même de plusieurs années, donc périmée et inconsommable. Mais madame Vilaine, vu sa avidité, se dit : « On ne jette pas la nourriture, quelqu’un sera content de l’avoir ». Elle saisit la boite, arracha l’étiquette de date d’expiration et courut frapper à la porte de sa voisine, qui était d’ailleurs trop généreuse avec elle. La voisine, madame Fournier demeura un moment ébahie devant le geste de madame Vilaine, connue dans tout le village par sa pingrerie, puis accepta la boite, et à son tour, elle l’offrit au jardinier, qui était passé tondre la haie. Le jardinier la remercia, mais sur sa route, il croisa le boucher du coin de la rue, alors il la lui donna. Celui-ci, qui préférait le cassoulet que préparait son épouse, ne refusa pas la boite, mais la proposa à la coiffeuse qui lui avait taillé la barbe. Cette dernière qui ne consommait que du bio, ne refusa pas l’offrande, mais lorsque la deuxième cliente passa à la caisse, elle la lui tendit en lui disant : « Vous les étudiants, vous n’avez pas de temps pour cuisiner, cette boite de cassoulet peut vous éviter de préparer un repas ». L’étudiante contente, prit la boite et rentra chez elle.

Elle ouvrit la boite, versa le contenu dans une casserole, et le mit à chauffer. Dès qu’elle finit de préparer la table,  madame Vilaine sonna à la porte pour demander un renseignement. Très gentille, l’étudiante lui tendit la casserole encore bouillante et lui dit : « prenez ce cassoulet, cela vous évitera de puiser dans vos réserves ». Madame Vilaine ne se fit pas prier, elle saisit le repas, et rentra précipitamment chez elle, au cas où l’étudiante changerait d’idée, elle serait déjà loin, ou elle aurait déjà tout mangé.

Le lendemain matin, madame Vilaine se leva avec des douleurs atroces au ventre. Elle vomissait, et avait très mal à la tête. Le médecin arriva, l’ausculta, et lui demanda ce qu’elle avait consommé. Elle lui répondit que c’était l’étudiante qui lui avait donné du cassoulet. Le docteur fit venir l’étudiante, cette dernière lui indiqua qu’elle n’y était pour rien, que c’était la coiffeuse qui le lui avait offert en boite de conserve, et qu’elle n’avait fait que réchauffer. Il convoqua la coiffeuse, qui expliqua qu’elle n’avait fait qu’offrir la boite de conserve que lui avait donnée gentiment le boucher, un homme très honnête, de bonne foi, qui ne penserait jamais mettre la vie d’autrui en danger. Le médecin appela le boucher, qui, étonné par la vilaine dame qui accusait tout le monde, assura que la boite lui avait été donnée par le jardinier. Il convoqua ensuite le jardinier, qui expliqua que c’était madame Fournier, loin de tout soupçon, qui la lui avait passée, et lui avait même offert une tasse de café et des biscuits, et qu’il ne s’était pas senti malade. Le médecin fit venir alors madame Fournier, qui dit avec étonnement que c’était madame Vilaine, qui lui avait rendu visite hier matin, et lui avait offert cette boite de cassoulet, ce qui n’était pas de ses habitudes. Madame Vilaine devint blême, se dressa sur son lit et balbutia : « le mal entraîne toujours un effet de boomerang… »

 

 

  • Autrice : Rmili Fatiha
  • Illustration : Hamza 
  • Date de parution : 19/03/2017
  • Thème : La générosité/ Faire mal à une personne
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