Le roi Toquet

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Un jour, dans un lointain royaume, un vieux roi mourût. Aimé de tout son peuple, il fut conduit à sa dernière demeure, dans une tristesse absolue. 

Le lendemain de l’enterrement du roi, son fils hérita du fameux trône. Mais hélas il en était plus fier que responsable. « Voilà, enfin c’est moi le roi ! Dorénavant, je vais faire ce que je veux ! Pourquoi, papa m’avait-il envoyé à l’école, je n’en avais pas besoin, j’allais devenir roi, ma destinée était déjà tracée, comme celle de mon grand-père et le grand-père de mon grand-père, les précédents rois ?! » pensa-t-il en s’asseyant pour la première fois sur le trône.

Le ministre, encore triste et traumatisé par la disparition du vénéré roi, et un peu méfiant de ce successeur si vaniteux, et ne faisant jamais attention à ce qu’il disait, s’avança prudemment et annonça :

– Majesté, les vivres recueillis l’année dernière sont sur le point d’expirer…

– Demande à mes sujets d’y remédier, à quoi sont-ils bons s’ils n’arrivent même pas à remplir les granges de mon royaume ?

– Mais majesté, vos sujets ont d’autres responsabilités…

Et le roi en colère interrompit son ministre :

– Oh la la la la, qu’est-ce que c’est que ce ministre, qui ose répondre au roi mot par mot. Vous n’êtes plus mon ministre. Demain, à l’aube, je veux un autre ministre.

Et il congédia le premier ministre …

Lorsqu’un jour le roi Toquet se promenant dans les allées de la ville pour savourer sa royauté, entendre des applaudissements à son passage, des « longue vie au roi ! » qu’on entend depuis des siècles, un chat errant, voulant attraper un oiseau, lui sauta par-dessus la tête. Le roi en colère cria : « Qu’est-ce que c’est que ce chat qui ose me passer par-dessus la tête. Serviteurs, demain, à l’aube je ne veux plus voir aucun chat dans mon royaume, bannissez-les tous ! ».

Le lendemain, dès que les premières lueurs du jour apparurent, on ne vit plus aucun chat roder dans les parages. Le monarque partit, suivi de ses chiens, ses ministres et ses serviteurs à la chasse, son passe-temps favori. Dès qu’il abattit un lièvre avec son arc, les chiens se lancèrent pour le récupérer, et encore une fois, le roi fut furieux contre ces pauvres bêtes :

— Qu’est-ce que c’est que ces chiens qui vont chercher ma proie sans que je le leur ordonne. Demain à l’aube, je ne veux plus voir aucun chien. Chassez-les tous hors de mon royaume !

Le jour se leva, on ne vit plus aucun chat roder dans les parages, on n’entendit plus aucun aboiement de chien. Le roi connut alors un sentiment de victoire incomparable. Il sortit faire sa promenade journalière, se pavanant dans son pays, suivi d’une foule de ministres, de serviteurs et de gardes du corps. Et tout d’un coup, il fut surpris par un mendiant, qui ayant réussi à échapper à la vigilance de ses surveillants, lui demander :

– Majesté, pitié, je n’ai plus aucune miette de pain à donner à mes enfants, nourrissez-les, Majesté !

Et le roi Toquet rougissant de colère, cria à ses ministres :

— Qu’est-ce que c’est que ces pauvres gens qui osent s’approcher du roi, et déranger sa tranquillité dès le matin ? Demain, à l’aube, je ne veux plus voir de pauvres dans mon territoire !

L‘ordre du roi fut exécuté, à l’aube,  on ne vit aucun chat rôder dans les parages, n’entendit aucun aboiement de chien, et aucun de ces pauvres gens qui animaient la Place, débarrassant le marché, des légumes et fruits périmés, qui restaient éparpillés sur le sol à la fin de la journée. Le roi fut soulagé de ne plus voir dans son royaume tout ce qui troublait sa vie qu’il voulait avant tout paisible. Le soir, il rentra chez lui, s’attabla, et fut surpris que son dîner ne soit pas encore servi, alors il cria à son ministre :

– Qu’est-ce que c’est que ces domestiques qui n’arrivent pas à servir à manger en temps et en heure ? Demain, à l’aube, je ne veux plus voir aucun domestique dans mon royaume !

Le ministre embarrassé, répondit la tête toute baissée :

– Plus aucun domestique n’est dans votre royaume Majesté !

– Comment ? questionna-t-il.

– Votre Majesté nous a ordonné hier de chasser tous les pauvres de votre royaume.

– Les domestiques sont eux aussi des gens pauvres ?!

– Oui Majesté.

– Et qu’est-ce qu’ils faisaient alors dans mon château ?

– Ils n’ont ni toit ni loi qui les protègent. Ils ne comptaient que sur votre charité, et en contrepartie, ils travaillaient pour vous, majesté.

– Moi, roi et fils d’un roi, je côtoyais des gens pauvres ?! Pourquoi les avez-vous recrutés ? Vous en ai-je donné l’ordre, monsieur le ministre ?

– Non, majesté.

— Demain, je ne veux plus voir de ministre dans mon royaume !

Le jour suivant, le roi Toquet sortit superviser ce qu’entreprenaient ses sujets, et qui n’étaient plus qu’une poignée de bourgeois mécontents d’avoir perdu leurs domestiques et leurs ouvriers. Le plus riche s’approcha de lui :

– Majesté, veuillez nous trouver une solution. Nous sommes en train de perdre notre argent et notre calme, à cause du départ des pauvres gens du royaume.

Et le roi, encore une fois, n’appréciant pas qu’on lui demande quoi que ce soit, répondit :

— Qu’est-ce que c’est que ces bourgeois qui attendent que le roi résolve leurs problèmes. Ne peuvent-ils pas le faire eux-mêmes ? Demain, à l’aube, je ne veux plus voir aucun bourgeois dans mon pays.

Le matin suivant, le monarque se réveilla, s’attabla, personne ne le servit, il appela son ministre… personne ne répondit. Il se donna la peine de faire sa tartine tout seul, changea ses vêtements tout seul, et sortit voir ce qu’il se passait dans son royaume. Mais il ne vit aucun chat rôder dans les parages, n’entendit aucun aboiement de chien, ne fut dérangé par aucun mendiant, ne sentit aucun pas de ministre derrière lui, et aucun bourgeois ne vint lui demander solution ou aide. Comme d’habitude, il se mit  en colère, monta au balcon de son château, et cria de toutes ses forces :

– C’est moi le roi, c’est moi qui commande, je vous ordonne de revenir dans mon royaume ! C’est un ordre !

Mais il n’y avait que l’écho qui lui renvoyait ses mots. Il répéta :

– Je suis le roi ! Revenez ici, je vous l’ordonne !

Après un long silence, une toute petite voix se fit entendre ; il chercha alors la provenance, mais ne trouvant rien, il se calma et écouta :

– Tu ne peux pas te faire obéir en sévissant ! Regarde, tu n’es même plus un roi ! Tu n’as plus de royaume. La royauté se fait en présence de ces gens, que tu as refoulés de chez eux. Eux, ils peuvent se trouver un nouveau roi, mais toi…

Et le roi Toquet imperturbable s’écria :

– Qu’est-ce que c’est que cette petite voix qui ose me conseiller ? Demain à l’aube, je ne veux entendre aucune petite voix dans mon royaume !

Et la  voix toute douce reprit  :

– Tu n’as plus personne sur qui régner, donc tu n’es plus roi. 

Et le roi encore plus furieux que jamais, s’écria :

– Je vous ordonne de quitter mon royaume. Demain à l’aube, je ne veux plus de votre présence chez moi !

Et toute douce, elle reprit :

– Tu ne me verras jamais, majesté, je suis invisible, je suis en toi, plus proche de toi que tu ne le penses. Tu resteras seul dans ce que tu crois être ton royaume. Tu devras travailler comme ces pauvres gens qui ont travaillé un jour pour toi, si tu ne veux pas mourir de faim. Tu resteras seul, si tu n’apprends pas à aimer l’autre. Tu resteras seul, si tu ne partages pas ta vie avec les autres. Tu resteras seul, si tu n’arrives pas à écouter l’autre, lui consacrer un peu de ton temps. Tu resteras seul, si tu n’apprends pas à pardonner. Tu resteras seul, si tu n’apprends pas à servir l’autre toi aussi…

Et le roi pleura alors à chaudes larmes, regrettant à tout jamais  son égoïsme et son irresponsabilité…

 

 

  • Auteure : Rmili Fatiha
  • Illustration : Hamza 
  • Date de parution : 19/03/2017
  • Thèmes : Devoirs et droits/ Responsabilité
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