Peau de velours

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Dans les terres lointaines de l’Australie, vivait Linda, une petite fille, très douce de peau, tellement douce que ses amis la surnommaient « peau de velours ». Elle était intelligente, belle, mais malheureusement, capricieuse et vaniteuse. Elle voulait tout ce qui est beau pour elle, et utilisait toutes les ruses pour arriver à ses fins.

Ses parents, inquiets de l’attitude de leur fille unique, et qui prenait une tournure très déplaisante, essayèrent de la raisonner, mais sans résultat. Linda voulait toujours s’approprier tout ce qui était dans la main des autres, même si cela ne l’intéressait pas.  Elle ne supportait pas de voir les gens  posséder quelque chose qui leur plaisait. Elle utilisait ruses et diableries pour s’emparer de tout ce qui les réjouissait. Toutefois David, l’ami de Cathy, sa meilleure amie,  n’avait jamais cédé à ses caprices, et elle lui en voulait terriblement.

Peau de velours

Sa chambre ne cessait d’accumuler un mystérieux bric-à-brac : des bijoux, des jouets, des dessins, des bibelots, des choses qu’on lui avait offertes en gage d’amitié, d’autres qu’elle avait poussé indirectement ses amis à lui céder. Enfin, elle était devenue comme un petit entrepôt. Sa maman lui conseillait de faire des dons,  mais elle refusait, en faisant une moue d’enfant gâtée. Le bonheur des autres ne l’intéressait absolument pas.

Les années passaient, et “peau de velours” ne se contentait plus de ce qu’elle avait. Elle en voulait encore et encore. Ses parents allèrent jusqu’à faire appel à Cathy pour lui montrer et lui expliquer le vrai sens de la vie, mais rien à faire ; elle se sentait au-dessus de tout le monde.

Une nuit qu’elle était très en colère contre l’ami de Cathy qui ne lui prêtait aucune attention, elle sortit prendre un peu d’air dans les allées du jardin. Soudain, elle entendit un bruit étrange. Elle avança et sursauta en voyant derrière le buisson un génie ! Stupéfaite, elle le regarda pendant un bref instant, puis elle voulut le prendre et le mettre dans sa chambre, avec tout ce qu’elle avait réussi à stocker. Le génie ria d’un air moqueur : « Ah non, je ne suis ni un bibelot ni un bijou ni un vêtement. On ne m’assujettit pas ! » Elle insista : « Je te mettrai dans un bocal, et je te montrerai chaque fois à mes amis ». « Tu ne pourras jamais m’emprisonner ! je traverse mur et verre, par contre je peux exaucer tous tes rêves, si tu veux… » Très pressée, elle répondit : « Oui, je veux bien, je veux que tu sois mon génie ». Il fit une pirouette et dit : « mais chaque chose a un prix. » Toujours, impatiente de mettre tout le monde à ses pieds, elle questionna : « dis, qu’est-ce que tu veux en échange ? Je n’ai qu’une parole », « chose promise chose due, hein ? », trépignant sur place, elle assura : « Oui, je te promets de te donner tout ce que j’ai dans ma chambre. Je peux t’autoriser à prendre même ce qui est à mon amie Cathy ». Alors, le génie déclara  : « Je veux juste te faire un bisou chaque nuit quand tu dors. » Surprise, elle répondit aussitôt : « Juste un bisou ? J’ai cru que tu allais me demander de me séparer de tout ce que j’ai, ou de faire des dons ou même de ne plus me voir la meilleure. Alors dans ce cas, marché conclu ». Le génie à son tour lui demanda ce qu’elle voulait réaliser. En toute confiance, elle répondit : « Je veux que David, l’ami de Cathy, s’intéresse à moi et pas à elle. Je voudrais bien ne plus les voir ensemble ; cela me rend très mal à l’aise. » Le génie s’exclama : « Juste une séparation de deux amis ?! J’ai cru que tu allais me demander d’éradiquer la méchanceté de la Terre. Chaque nuit, je passerai te faire un bisou, et  j’éloignerai ce garçon de ta meilleure amie. Et pas que ça, je le pousserai à s’intéresser à toi ».

Peau de velours

Malheureusement, Linda n’avait pas demandé plus de détails au génie sur leur contrat. La nuit, pendant son sommeil, elle sentit un pincement sur la joue. Elle se leva un bref instant, puis se rendormit. Le matin, elle s’assit sur le canapé, et se regarda dans un miroir pour admirer son joli corps, mais elle fut choquée en voyant un gros bouton répugnant sur la joue. Elle eut honte de sortir, mais sa mère l’envoya quand même à la pharmacie pour chercher un remède. Sur la route, elle croisa David, qui ne lui adressait jamais la parole. Ce dernier fut surpris de voir un gros bouton rouge sur son visage, elle qui ne jurait que par sa beauté, et lui demanda : « Alors Linda, l’enfer a fait une petite crotte sur toi ? » Elle le regarda un bref instant, et sans  répondre, elle rebroussa chemin.

Peau de velours

Les nuits se suivirent, et chaque nuit, un pincement qui faisait mal, et chaque matin, un gros bouton comme une petite braise apparaissait sur son corps. Elle ne sortait plus, mais David venait quand même à la fenêtre de sa chambre, l’observait longuement, pour comprendre pourquoi elle avait cette horreur, et finissait toujours ses questions par une moquerie.  Cathy ne supportant plus le voir se moquer de sa meilleure amie, rompit son amitié avec lui.

Bien que son corps se métamorphosât quotidiennement, Cathy lui rendait visite, et lui tenait compagnie pour qu’elle ne se sente pas seule. Un jour, elle lui confia que David n’était plus son ami ; et avec un fin sourire malicieux, « peau de velours » pensa  : « Le génie a bien tenu à sa parole. Il a séparé Cathy et David. Ce dernier vient me voir et me parle. Avant, je passais inaperçue devant lui. Mais pourquoi  ne vient-il pas me faire un bisou ? Peut-être, il attend que je guérisse… »

Peau de velours

Le temps passait, et chaque matin Linda se réveillait avec un bouton de plus, sa peau ressemblait à celle d’un crapaud. Très en colère, elle attendit la pleine lune, et sortit dans le jardin chercher le génie. Dès qu’elle l’aperçut, elle vociféra : « Qu’est-ce qui m’arrive ? Dis-moi ? C’est vrai, Cathy s’est séparée de David. Il vient me voir, il me parle, mais il ne me dit aucun mot gentil ». Le génie répondit : « Tu voulais que je les sépare, et chacun a pris un chemin opposé à l’autre. Tu voulais que le garçon s’intéresse à toi, et je le vois chaque jour passer te voir… » Elle l’interrompit : « Il s’intéresse à mes boutons pas à moi. Dis-moi, pourquoi les boutons se multiplient-ils sur mon corps ? », il assura : « Ce ne sont pas des boutons! ce sont mes bisous ! » Elle hurla : « Je ne veux plus de tes bisous, je ne veux plus de ce garçon qui n’arrête pas de se moquer de moi, prends tes bisous, je ne veux plus rien de toi » « Mais moi, je ne veux pas annuler l’accord que nous avons fait, j’aime faire des bisous à des personnes méchantes comme toi », railla le génie dans un éclat de rire, et disparut dans le noir.

Linda s’enferma dans sa chambre, et refusa de sortir. Cathy ne cessa jamais de lui rendre visite.  Elle l’aidait à prendre son bain et à désinfecter sa peau de ces dégoûtants boutons. David venait la voir souvent, et persiflait : « Comment vas-tu aujourd’hui « peau de crapaud » ? » De bouche à oreille, plus personne ne l’appelait « peau de velours », mais « peau de crapaud ».

 

 

  • Auteure : Rmili Fatiha
  • Illustration : Hamza 
  • Date de parution : 19/03/2017
  • Thème : L’égoïsme/ L’amitié/ La jalousie
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