Un vilain tour

Résumé :

Le vieux herboriste, accusé à tord d’être le roi des fantômes, doit jouer un tour aux habitants du village pour sauver le pays de la déforestation. 

Il y a bien longtemps, dans une région lointaine, résidait un vieil homme dans une cabane, à la lisière d’une forêt connue par la présence des fantômes. C’était un homme plutôt taciturne qui  semblait indifférent à tout ce qui l’entourait. Dès les premières lueurs du jour, il mettait dans sa besace un morceau de pain et une gourde pleine d’eau, et faisait claquer la porte derrière lui. Il s’enfonçait dans la forêt d’un pas décisif, comme s’il allait à la rencontre de gens que personne ne connaissait. Les villageois commençaient à jaser, à se méfier de cet homme trop discret et solitaire : « Et s’il était le roi des fantômes ? » se demandaient-ils.

Les hommes du village décidèrent de le surveiller de près. Dès qu’il ouvrait sa porte, plusieurs hommes se cachaient derrières les arbres et même derrière les buissons, pour voir où il se dirigeait, mais malheureusement, la forêt était tellement dense et sombre, qu’on le perdait vite de vue. Et ils devaient rester dans leur cachette, jusqu’à son retour. Un jour, il ne revint pas, les villageois finirent par s’épuiser et s’endormir sur place.

Plusieurs jours passèrent, et on ne vit plus « le roi des fantômes », comme on finit par le surnommer. De bouches à oreilles, tout le monde crut à la présence des créatures invisibles, et à leur roi qui habitait dans une cabane à la lisière de la forêt, pour surveiller les gens, voler leurs récoltes, leur jeter des sorts, et même dévorer leurs enfants. Le village connut une psychose incomparable, plus personne ne pouvait laisser sa fenêtre ou sa porte ouverte. Le roi fut mis au courant de cette calamité.

Le roi appela ses conseillers, et ils cherchaient une solution pour débarrasser la forêt de ces fantômes :

– Notre roi, faites appel au génie des chamans des alentours, proposa le premier conseiller.

– Roi bienveillant, envoyez votre armée. Vos chevaliers sont robustes et invincibles. Ils les tueront en peu de temps, suggéra le second conseiller.

– Comment tuer des fantômes qui n’apparaissent que la nuit, et traversent murs et forteresses sans difficultés. Nos épées ne les atteindront jamais.

– Ils sont malins, c’est pourquoi leur roi a pu résider parmi nous, dans une cabane, sans qu’on ne s’en rende compte.

– Ils sont malins ? Nous le sommes aussi. Nous allons déboiser toute cette région.

Le lendemain, en plus des soldats, des bénévoles se donnèrent rendez-vous, les haches sur les épaules pour abattre les arbres, afin de faire fuir, ou dévoiler les fantômes. Tout le village : vieux et vieilles, femmes et enfants attendirent en retenant leur souffle, le surgissement du premier fantôme.

Mais un soir, ils virent une silhouette s’approcher dans le noir. « Vite ! appelez le roi, qu’il voie  de lui-même un fantôme en cher et en os, préparez les filets, si on peut l’attraper » cria un bucher.  Les plus robustes jetèrent des filets, et tout le monde se jeta sur lui, en attendant l’arrivée du roi.

Suivi par des cavaliers, le roi arriva et il ne vit que le vieil homme ou « le roi des fantômes » dans le filet. On le libéra.

– Mon roi, je n’ai rien fait de mal pour que je sois traité de la sorte ?

– Ha, ha, ha vilain « roi de fantômes ». Tu ne vas pas me faire ce tour, tu es bien un des leurs !

– Ce n’est pas ma captivité qui me vexe, mais c’est ce que je vois qui m’abasourdit !

– Qu’est-ce-que vous voyez ? Des humains ? Cela fait un moment que vous vous êtes dissimulés parmi eux.

– Non, mon roi, c’est la destruction de la forêt qui me fait peur. C’est une très mauvaise manière de remercier la nature.

– Je te propose un marché « roi des fantômes » : Si tu veux qu’on ne détruise pas votre habitat, à savoir la forêt, tu nous montres les talents de ton peuple, les fantômes.

Le vieil homme ne sachant quoi répondre acquiesça.

À l’aube, avant le chant des coqs, le vieil homme fit un tour dans le village et dispersa sur les arbres fruitiers, dans les puits et même les sources d’eau, une poudre qu’il gardait soigneusement chez lui. Le lendemain soir, tous les villageois tombèrent malades, et souffrirent de douleurs. Même le roi.

Les guérisseurs, qui devaient trouver un remède, étaient à leur tour alités, et le roi fit appeler le vieil homme ou le roi des fantômes :

– Aïe, ouille, roi des fantômes, sauvez-nous, j’ai trop mal, mon peuple aussi.

– Entre rois, je veux bien vous aider, mais me promettez-vous d’arrêter votre carnage ?

– De quel carnage parlez-vous ?

– La destruction des arbres…

– On en replantera d’autres !

– Pauvres humains, nous les fantômes, on se sert uniquement de ce que nous donne la nature pour vivre, et vous…

– Nous arrêterons de détruire, nous vous accepterons parmi nous, mais sauvez-nous pitié, pitié…

Le vieil homme sortit du château, prit un grand sac, et une autre fois s’enfonça dans la forêt, et on ne le vit qu’au bout de trois jours. Les villageois l’attendaient avec impatience. Il leur distribua un antidote, en leur disant que c’était une fabrication de son peuple, les fantômes. Tout le village fut guéri.

Le roi remercia le roi des fantômes, lui construisit une belle résidence au lieu d’une cabane modeste. Il eut le respect et la vénération de tous les villageois.

L’homme qui en réalité, n’était qu’un vieil herboriste ruiné, était satisfait de son tour qui n’était pas un vilain tour, mais un bon tour puisqu’il a sauvé de beaux arbres de la destruction.

©Tous les droits sont réservés (copyright 2022)

  • Auteur : Noe
  • Illustration : composition du site
  • Âge : 12 ans
  • Établissement scolaire : St-François-de-Sales 
  • Morale : Le respect de la forêt est vital

 

Vous avez aimé ce texte, partagez-le !
FacebookTwitterGoogle+