En classe, les élèves n’attendent que la cloche qui sonne et « youpppiii !!!» , dans la cour ! Heureusement le maître Pierrick empêche les grands de se ruer dans le couloir. Ils ne sont jamais fatigués de l’entendre leur répéter à chaque temps de récréation : « Attention, on ne se pousse pas dans les couloirs, on ne court pas, on ne crie pas, on n’agresse pas, on ne se moque pas non plus de ses camarades », et chaque fois, un élève pose la question : « Et pourquoi ? », il explique : « Il se peut que vous blessiez vos camarades sans avoir l’intention de le faire et vous ne criez pas, car tout d’abord ce n’est pas poli d’élever la voix et il y a d’autres classes qui n’ont pas encore terminé leurs cours. »
Peu de temps après, les petits commencent à sortir les uns après les autres comme des canetons, et j’entends leur maîtresse leur rappeler : « passez faire pipi, personne ne sera autorisé à entrer quand tout le monde sera dans la cour, n’oubliez pas de vous laver les mains après, faites attention, ne fermez aucune porte, ce sont les adultes qui doivent le faire ». Et le fameux « pourquoi » se fait entendre, suivi par d’autres questions, les unes plus surprenantes que les autres. La maîtresse Joséphine répond avec un léger sourire et des traits décontractés : « Il faut faire pipi avant de sortir, car je ne peux vous accompagner aux toilettes, et laisser les autres petits seuls dans la cour, je ne sais ce qui pourrait arriver en mon absence ».
– Pourquoi doit-on se laver les mains ?
– Il faut les laver, pour les nettoyer des petites gouttes de pipi qui restent dessus.
– Moi, jamais une goutte de pipi ne se colle à ma main.
– Oui, mais tu dois te laver les mains quand même comme tous tes camarades.
– Pourquoi je ne dois pas fermer la porte et les adultes ont le droit de le faire ?
– Parce que tu risques de la fermer sur les doigts d’un enfant, et nous serons obligés d’appeler le SAMU.
– Qu’est-ce que c’est le SAMU ?
– L’ambulance pour l’emmener à l’hôpital.
– Qu’est-ce qu’ils vont lui faire ?
– Allez, sortez, nous sommes en train de perdre du temps, allez les petits loups.
Et le tour des plus grands arrive, et bien qu’ils devancent les élèves de Pierrick de quelques années, ils se comportent comme des petits. Dès qu’ils sortent de la classe, et empruntent le couloir qui mène à la cour, les chamailleries se déclenchent, alors, la maîtresse Aurélie répète ce qu’elle a affirmé hier, avant-hier, la semaine dernière, le mois dernier, depuis le début de l’année scolaire : « Vous êtes assez grands, vous devez donner l’exemple aux petits. Vous ne devez pas rapporter n’importe quoi aux adultes, sauf si c’est grave. Ne poussez pas, n’embêtez pas, ne vous moquez pas, n’insultez ou n’agressez pas vos camarades. Vous agirez avec vos camarades, comme vous aimeriez qu’on le fasse avec vous. Vous ne venez pas à l’école pour apprendre uniquement des leçons avec le maître, mais aussi comment vous devez vous comporter en tant que personne posée et sage. Vous avez le droit de jouer, mais vous ne devez pas mal traiter vos camarades. Les conflits, vous les réglez en discutant calmement, et chacun doit donner à l’autre le temps de s’expliquer… »
– Maîtresse, Théo critique Justine…
– Et il ne faut jamais s’immiscer entre deux camarades qui ont un malentendu.
Le fameux pourquoi se fait entendre par un élève qui ne sait même pas de quoi il s’agit.
– Pourquoi nous ne devons pas intervenir ?
– Pour que le conflit ne prenne pas une autre ampleur. Dans certains cas, il faut prévenir un adulte.
– Maîtresse, nous allons dans la cour, déclare Arthur
– Évitez aussi de dire des remarques non intéressantes. Allez sortez, sinon vous n’aurez pas de récréation, et vous avez intérêt à jouer sans violence !
Dans la cour, toutes les consignes données par le personnel sont oubliées, pour les grands comme pour les petits, et les plaintes arrivent à flots aux adultes debout, s’apprêtant à résoudre les problèmes, apaiser les tensions et rappeler les devoirs et les droits.
– Maîtresse, il m’a poussé.
– Non, c’est lui qui m’a poussé.
La pauvre maîtresse, qui doit-elle croire ?
– Allez, excuse-toi, demande à ton camarade pardon… Et toi demande pardon à ton tour, allez-y je vous surveille.
Et elle tourne la tête pour superviser l’autre côté de la cour. Des sanglots à tue-tête derrière l’arbre, peut-être un enfant blessé, elle hâte les pas. C’est Emma, une grande fille de la classe de Pierrick qui pleure, les yeux envahis de chagrin.
– Mais que t’arrive-t-il ?
– Léa n’est plus mon amie.
– Ne pleure pas, va te débarbouiller le visage, bientôt elle reviendra pour te parler.
– Maîtresse !
Une voix se fait entendre à quelques mètres derrière elle. Elle se retourne et avance.
– Maîtresse, Jade a un bonbon et des ciseaux dans la poche .
– Je confisque les ciseaux, c’est dangereux, et va mettre le bonbon dans ton cartable. C’est interdit de manger des bonbons dans la cour.
– Pourquoi on n’a pas le droit de manger des bonbons ?
– Cela vous empêche de bien manger à midi, et il faut consommer plus de fruits et de légumes que de bonbons.
– Maîtresse, Louise regarde par la grille !
– Laisse-la, elle ne fait rien de grave !
Le maître Pierrick, de son côté, ferme et souriant, résout les problèmes qui n’en finissent pas :
– Il m’a donné un coup au ventre !
– Non c’est lui qui m’a tiré par la capuche !
– Il m’a frappé !
– Non, je n’ai fait que défendre Mattéo !
– Il a dit un gros mot !
– Non, je n’ai rien dit, il raconte des bêtises !
Et dès que le maître intervient, ils redeviennent les meilleurs amis…
La maîtresse Nadège, très vigilante et attentive, surveille ceux qui font des glissades, en emportant les petits qui se trouvent sur leur chemin, les élèves qui s’infiltrent pour récupérer quelque chose qu’ils ont oublié en classe, ceux qui pataugent dans les flaques d’eau de pluie, bref, elle veille à ce que le règlement intérieur de l’école soit appliqué.
Enfin, le retentissement de la cloche a lieu, et chaque maître répète à ses élèves : « pas de bousculade dans les couloirs, regagnez vos classes dans le calme, passez faire « pipi », lavez-vous les mains, soyez gentils avec les petits, donnez-leur l’exemple.»
Je me demande si c’est bien de contraindre le maître ou la maîtresse à se répéter tout le temps, si c’est poli de jouer violemment dans la cour, si c’est bien de dire des méchancetés à ses camarades, de ne pas faire pipi avant d’entrer en classe, et ne le demander qu’après pour perturber le cours. Je me demande aussi si c’est gentil de ne laisser à son maître ou sa maîtresse aucun répit pour se reposer pendant la récréation ?
L’autrice :
Qu’est-ce que vous avez retenu de ce que je viens de vous raconter les enfants ?
Ne pas crier quand vous allez en récréation ou quand vous regagnez vos classes
Ne pas rapporter n’importe quoi au maître sauf si c’est grave
Faire « pipi » avant l’entrée en classe, et ne plus demander de sortir sauf si vous êtes malade.
Ne pas pousser, bousculer, crier, agresser, embêter, insulter et non plus se moquer de ses camarades.
Ne pas couper la parole au maître surtout quand il discute avec un parent d’élève.
Ne pas entrer en classe en hurlant, parlant avec son camarade à voix haute.
Ne pas prendre la chaise pour une balançoire.
Ne rien prendre du bureau du maître sans lui demander.
Ne jamais mettre dans sa poche ce qu’on trouve dans la cour. Sûrement un camarade est en train de le chercher…
