Le bac !

Bientôt, c’est le bac ! » Cette phrase résonnait dans mon esprit depuis un moment. Un challenge, un défi à relever ou juste un pont à passer victorieusement. Loin, très loin à l’horizon, j’apercevais la faculté, les études supérieures, et effectivement, je me sentais supérieur, une personne importante. « J’ai mon bac », une clé, qui m’ouvrira toutes les portes, même les plus tenaces, autrement dit, je serai enfin un adulte, responsable de tous mes actes. Quelle joie, mais je n’en étais pas encore là…

J’avais toujours l’impression que mes parents se sentaient plus concernés que moi, et s’ils avaient pu s’enfermer dans leur chambre, et préparer les examens à ma place, ils n’auraient pas hésité une seconde. Merci les parents, vous êtes géniaux, mais il n’est pas question que vous preniez la barque à ma place et que vous vous engagiez au large, je veux larguer les amarres moi-même et découvrir la force de mon être.

Quand j’arrivais au lycée, la première chose qui me frappait, c’est que tous ces élèves, qui iraient s’installer partout dans le pays ou même à l’étranger, afin de faire de grandes études, pensaient la même chose que moi : que leurs parents, comme les miens, seraient d’accord, si le ministère de l’Éducation nationale décrétait que les parents devaient être le joker de leur enfant, et qu’ils étaient sommés d’apprendre le maximum du programme, pour lui venir en aide, en cas de besoin. Les miens, tels que je les connais, auraient quitté leur travail et se seraient enfermés dans le garage, entourés de piles de livres, pour ne rater aucune question, mais hélas papa, hélas maman, vous n’êtes pas les seuls ! Tous les parents du monde auraient estimé faire plus que vous, pour que leur enfant passe avec un énorme succès toutes les épreuves, mais les règles du jeu ne sont pas établies selon la volonté des parents.  Dommage…

Pendant les récréations ou même à la cantine, les uns parlaient déjà du service civique, comme des grands, les autres critiquaient certaines universités et bien d’autres discutaient du devoir de la veille ou des épreuves données en bac blanc, comme s’ils se disaient : « Attendons de l’avoir tout d’abord ! » Je ne pensais qu’à mes parents, mon bac était le leur, l’avoir, c’était comme s’ils allaient avoir le leur, une seconde fois et le plus étonnant, c’est qu’ils étaient en train de revivre les mêmes ressentis que pendant leur scolarité, non… Leurs regards laissaient échapper une angoisse, qu’ils essayaient de dissimuler, une preuve qu’ils étaient en train de vivre ce qu’ils avaient vécu plus jeunes… Oui, c’était leur enfant qui allait passer le bac… Ah quelle joie de voir leur « petit bout de chou », comme ils m’appelaient autrefois, sur le point de prendre son envol…

Deux semaines avant le bac… Je me préparais pour l’examen, comme si je faisais mes valises pour un long voyage, une autre étape de ma vie, et je vous avoue que j’avais hâte de la vivre. Maman était à mon service, 24 h/24, il ne fallait pas que je perde mon temps en allant chercher un verre d’eau dans la cuisine, aussi, j’avais aussi besoin de vitamines donc, hors de question que je me contente de sandwichs ou de plats surgelés. J’étais servi comme un roi, et sincèrement, je ne nie pas que parfois, cela me plaisait bien, car toute la famille s’y était mise, c’était devenu un bac familial, tout le monde s’en occupait, même Baudelaire, notre chien, était appelé à faire moins de bruit, pour ne pas me déconcentrer.

L’examen approchait et l’atmosphère à la maison, entre les lycéens, changeait petit à petit, tout le monde visait la ligne d’arrivée, les professeurs, comme des généraux de guerre chevronnés, donnaient leurs dernières directives, essayaient du mieux qu’ils pouvaient de nous réconforter, nous encourager, et je me souviens de madame Leblond, qui finissait toujours ses phrases avec un sourire, qui cachait un autre sentiment, que je n’avais jamais pu cerner : « Je ne veux pas vous voir l’année prochaine dans notre lycée, on vous a assez vus comme ça, allez ouste, à l’université les grands ! » Je tiens à vous raconter, aussi, que pendant les préparations, maman ou papa, chacun à son tour, venait frapper légèrement à la porte de ma chambre, l’entrouvrait et me demandait d’une voix quasi inaudible, comme s’ils allaient pleurer : « Tu as besoin de quelque chose ? » Je me pose aujourd’hui cette question : venaient-ils juste pour vérifier si je travaillais ou vraiment, s’étaient-ils donnés à plein cœur dans cette étape de ma vie ? Mais le plus beau, c’est que j’étais, comme tous mes autres camarades de terminale, le centre d’intérêt de mes parents et des professeurs… Un beau souvenir…

« Arrête de travailler mon chéri, demain c’est l’examen », me disait la veille maman d’une voix aussi gentille qu’elle. Oui, demain, c’était l’examen de la dernière année du lycée, nous étions à quelques heures de la ligne d’arrivée, de la porte du futur que je devais ouvrir, quitte à la défoncer. Je ne peux vous décrire, malheureusement, ce que j’avais ressenti, mais vous allez y passer vous aussi et vous allez comprendre. À la maison, le téléphone sonnait de temps en temps, j’entendais maman répondre : « Mais non, demain, c’est l’examen du bac, je n’ai pas la tête à ça… » Je ne savais pas ce qu’on lui proposait à l’autre bout du fil, mais plus rien n’était aussi important que son fils et le bac de son fils, quel engagement ! Pardonne-moi, maman, pour tout le mal que je t’ai donné pour que j’arrive là aujourd’hui. Le soir, les copains m’envoyaient des messages, me souhaitaient bonne chance… Gentiment, papa prit mon téléphone et l’éteignit en disant : « Il est temps qu’on te laisse te reposer, demain tu auras l’examen du bac. »

Le jour J, les parents s’étaient levés plus tôt que moi, papa était parti vérifier que tout allait bien dans la voiture, de peur qu’une panne, une crevaison ou toute autre anomalie dans le véhicule, me cause un retard à l’examen. Maman vérifiait ma trousse et revenait pour revérifier si elle avait tout vérifié, s’il ne manquait rien, elle avait même regardé si mes crayons étaient bien aiguisés. Enfin, nous prîmes la route vers l’établissement, où j’allais passer mon dernier examen d’élève mineur. Dès notre arrivée, le trottoir était plein de monde, nous ressentions tous la même chose, mais personne ne disait rien. Je descendis, me tournai pour faire un signe d’au revoir à papa, il baissa la vitre de la voiture et dit : « Vas-y, fiston, je suis fier de toi avec ou sans le bac. Tu as fait ce qui dépend de toi : révisions, assiduité, apprentissage, ce qui ne dépend pas de toi, tu n’es pas forcé de l’accomplir, fais ce que tu peux, et je t’attends ce soir pour fêter ça. »

  • Auteur : Rmili Fatiha
  • Date de parution : 13/04/2017
  • Thème : Les études/ Le Bac
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