Le chevalier et la domestique


Autrefois, dans le royaume du Roi Charles, vivait une domestique, plus belle que la lune et plus lumineuse que le soleil. Elle était très intelligente, très polie, très calme, trouvait les bons mots aux bons moments, toujours souriante et rougissait chaque fois qu’elle servait le roi.

Le roi l’avait remarquée et la fit venir au château, afin qu’on lui apprenne à lire, à danser et à jouer de la harpe, car elle deviendrait la promise du prince, le fils du roi. La domestique refusa et dit au roi qu’elle préférerait mourir que d’être épouse du prince. Le roi devint furieux : « Qui peut refuser un beau prince, très attentionné et futur roi ? ». Et demanda à ses gardes de surveiller cette domestique de près.

Par une nuit bien claire, où la lune toute ronde trônait au milieu d’une multitude d’étoiles, plus brillantes les unes que les autres, « la promise au prince » se promenait aux alentours du château et chantait des chansons d’amour. Un chevalier s’approcha, la prit par les mains, puis la serra dans ses bras en lui disant qu’elle lui manquait tout le temps, qu’ils ne devaient plus se voir en cachette, que tout le monde devait être mis au courant, qu’il ne supportait plus de la voir faire des tâches ménagères. Le roi fut informé et décida d’emprisonner ce chevalier.

« Pitié majesté, je vous ai servi fidèlement pendant des années, j’ai protégé votre château des ennemis, j’ai même sauvé votre fils, le prince de la gueule du lion. Donnez-moi une chance de vous prouver que je regrette d’avoir approché une domestique ».

Le roi, après avoir longuement réfléchi et demandé conseil à ses ministres, le fit venir, et lui dit :

– Je suis prêt à vous pardonner votre erreur, si vous me prouvez que vous êtes encore fort, capable de défendre le château et tous ceux qui y vivent.

– Je suis prêt mon roi, à traverser le feu pour sauver le papillon qui vole dans les jardins de votre château.

– Je ne vous demande pas de traverser le feu, mais de vaincre les trois ogres qui convoitent mon trône, et pour ce faire, je vous donne trois jours, pas plus. Vous devez chaque soir m’apporter un indice qui prouve que vous en avez tué un. Au troisième jour, si je n’ai pas les trois indices, vous serez emprisonné à vie ou décapité.

Le chevalier s’inclina devant le roi, le remercia pour sa bonté et sa clémence et sortit en se disant : « Il faut que je trouve les trois ogres : l’ogre du feu, l’ogre de la terre et l’ogre de l’eau ; mais comment les abattre, alors qu’ils sont mille fois plus forts que moi, et que toute une cavalerie, n’arriverait même pas à les repousser loin du château ? »

Le lendemain à l’aube, il monta sur son cheval et s’apprêtait à quitter le château, lorsqu’une personne, vêtue de noir, avec une capuche qui lui cachant le visage, se mit devant sa monture. Ne pouvant avancer, le chevalier lui dit :

– Je n’ai rien à vous donner, madame, je n’ai plus que trois jours devant moi, je ne reviendrai peut-être même pas ce soir…

– Je vous accompagne, chevalier fidèle à son roi.

Il fut surpris, mais continua :

– Je ne veux pas une pauvre dame à mes côtés. Qui devrais-je alors protéger des ogres, vous ou moi ?

– Je connais la langue des ogres…

– Comment ?

– Laissez-moi vous accompagner, et nous serons de retour avant le coucher du soleil.

– Et qu’est-ce que vous me demandez en échange ?

– Ne pas me poser de question. Ne pas me dévoiler.

– C’est tout ?

– Oui, chevalier fidèle à son roi, répondit la femme voilée.

– Allons-y, décida-t-il.

Et elle monta derrière lui.

Après plusieurs heures de route, ils aperçurent une énorme fumée sortant de la crête de la montagne, et montant vers le ciel. « Dépêchez-vous, il ne faut pas donner  à l’ogre le temps de se lever, sinon il crachera sa lave puissamment. Le roi sera furieux contre vous, fidèle chevalier » s’inquiéta la dame voilée. Le prince mit alors le cheval au galop en le fouettant, et enfin ils arrivèrent. La fumée devint alors très dense, un bruit sourd se fit entendre. Le chevalier mit pied à terre, aida la dame à descendre. Elle se dirigea vers une grotte cachée. Elle chercha précipitamment dans toutes les fissures en murmurant : « pourvu que personne ne l’ait déplacée ». Le chevalier commença à son tour à chercher, sans savoir de quoi il s’agissait exactement. Après quelques minutes de recherche, elle mit la main sur une poudre blanche, et lui qu’il fallait disperser au pied de la montagne, pour rendormir l’ogre. Le jeune homme saisit la bouteille, la lança en l’air, et en éparpilla le contenu d’un geste magique. Quand la fumée se résorba, il se tourna vers elle et lui demanda :

– Mais de quoi est composé cette poudre ?

– N’ai-je pas exigé de vous que vous ne me posiez pas de question ?

– Désolé ! dit-il timidement.

– Ne perdons pas de temps, l’ogre de l’eau commence à ronronner, il va bientôt déverser toute son eau, et inonder le château.

Ils remontèrent sur leur cheval, et galopèrent vers la cascade, une impressionnante chute d’eau, qui emportait tout ce qu’elle trouvait sur son chemin, et sûrement emporterait le château avec tout ce qu’il renfermait. La dame vit l’eau déborder des deux côtés ;  et convaincue qu’elle ne prêterait attention ni aux femmes ni aux enfants ni aux bêtes, elle courut et y plongea. Le chevalier resta immobile un instant, puis  ne la voyant pas remonter et croyant qu’elle s’était noyée, décida de rentrer au château. Mais tout à coup, elle cria : « Tenez le flambeau, il faut le lancer sur le monstre ». Le chevalier, l’eau lui arrivant jusqu’aux genoux, se pencha, lui prit le flambeau de la main, et se pressa de le jeter de toutes ses forces sur la cascade… L’eau commença à reculer et on entendit de moins en moins le vacarme. Le jeune homme, intrigué, demanda une autre fois :

– Comment avez-vous pu remonter un flambeau allumé du fond du fleuve ?

– Ne vous ai-je pas ordonné de ne pas me poser de question ?

– Pardonnez madame, ma curiosité, mais vous m’éblouissez.

– Ne perdons pas de temps, l’ogre en pierre va se fracasser, et envoyer ses rochers sur le château, faisons quelque chose !

Ils remontèrent tous les deux sur le cheval, et se lancèrent vers la falaise. Lorsqu’ils arrivèrent, les premiers rochers étaient déjà en train de s’écrouler, et de rouler avec une gigantesque vitesse vers le château. L’accompagnatrice arrêta une roche en utilisant toutes ses forces, et la poussa dans l’autre direction, de telle manière, qu’elle tombe du côté de la forêt. Tous les autres rochers dégringolèrent sur cette trajectoire. Après quelques instants, on n’entendit plus ce bruit assourdissant. Le chevalier impressionné par son attitude  lui redemanda :

– Qui êtes-vous au juste ? Pourquoi faites-vous cela pour me sauver ?

– Ne vous ai-je pas recommandé de ne pas me poser de question ? Le soleil est sur le point de se coucher, il faut que vous rentriez voir le roi, sinon, il enverra ses gardes vous chercher, et vous exécutera.

– Oui, mais, je n’ai ramassé aucun indice !

Elle lui tendit une bourse, où il y avait un doigt de pierre, un morceau de lave refroidi et une petite bouteille, où elle avait mis l’eau de la cascade. Ils entrèrent au château.

Surpris de voir le chevalier vaincre les trois ogres dans une seule journée, le roi s’exclama :

– Il n’y a que mon fils, que j’ai perdu sur ma route vers ma nouvelle conquête, qui peut réaliser cet exploit, qui êtes-vous exactement ?

– Je suis votre chevalier et serviteur, mon roi !

À cet instant, la femme voilée entra et dit :

– C’est vrai, il n’y a que mon frère, qui peut vaincre tous les ogres, père !

– Mes enfants ?! Mes enfants !

– Oui, père, après le décès de notre mère, la reine, votre nouvelle épouse a voulu nous éloigner de vous, en vous faisant croire que l’ogre de l’eau nous a avalés ; et elle nous a abandonnés dans la forêt. Nous avons été accueillis par un bûcheron, très gentil, qui s’est occupé de nous pendant les premières années, mais après son décès, nous avons décidé de retourner au château, et nous avons choisi d’y travailler pour rester auprès de vous, et éviter les méchancetés de votre femme, madame la reine. C’est pourquoi j’ai refusé d’épouser le prince… C’est mon demi-frère.

– Pourquoi vous ne m’avez jamais rien dit petite sœur ? demanda le chevalier.

– Pour vous protéger du vrai ogre, celui qui tue sans pitié.

– Y a-t-il un autre ogre qu’il faut vaincre ?

– La haine mon frère. La haine est un ogre en nous, qui peut se réveiller, chaque fois que nous sommes fâchés. J’avais peur que vous haïssiez la femme de notre père, que vous pensiez vous venger d’elle.

– Et comment vous avez eu tous ces secrets ?

– Dans son agonie, notre mère m’a légué plusieurs secrets, et m’a prié de veiller sur vous, mon frère.

Furieux, le roi fit venir la reine, qui était devenue vieille et sans force. Elle s’agenouilla, et demanda pardon aux enfants. La domestique, la femme voilée ou la princesse lui dit :

– Relevez-vous belle-mère, il fallait regretter votre geste bien avant, quand vous nous avez abandonnés seuls dans la forêt, alors que nous n’étions que des petits enfants. Maintenant, comme vous voyez, votre haine et votre jalousie n’ont servi à rien, au contraire, elles n’ont fait que renforcer notre détermination. 

Le chevalier et la domestique

Titre : Le chevalier et la domestiqueGenre : ConteÂge : À partir de 7 ans©Tous les droits sont réservés (copyrght)http://www.arche-dulivre.fr/contes_legendes/le-chevalier-et-la-domestique.php

Gepostet von Arche-dulivre.fr am Freitag, 20. März 2020

  • Auteur : Rmili Fatiha
  • Date de parution : 19/03/2017
  • Thème : La famille/ La fraternité/ la jalousie et la haine
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