Métamorphose

Par une belle journée estivale, la fée Joséphine partit découvrir le mont Rouge, une montagne où elle avait exaucé beaucoup de rêves, juste après avoir obtenu son diplôme de fée, et qui se trouvait au bord d’une mer agitée, tourmentée, un petit peu fofolle, et je ne sais quoi d’autre.

Dans sa balade, elle était heureuse de sentir l’air frais lui caresser le visage, agiter ses mèches de cheveux et, très sereine, elle s’allongeait sur le dos pour admirer le ciel, et s’amusait à prêter des formes animalières aux nuages qui passaient : des nuages-moutons, des des nuages-chats attrapant des souris, des nuages-chevaux galopant à toute allure, mais peu à peu, ses paupières s’alourdissaient, et elle s’assoupissait.

Or un jour qu’elle dormait paisiblement, bercée par les senteurs douces de la Nature, elle entendit soudain des cris venant de loin, elle se réveilla alors, et courut vite à l’endroit d’où provenaient ces pleurs, ces cris, et arrivée à l’entrée d’une grotte, elle s’arrêta net. Qui cela pouvait-il bien être ? Sur la pointe des pieds, elle avança son nez, puis sa tête : une grosse forme mystérieuse, qu’elle n’avait jamais vue auparavant, se trouvait là ; elle regarda une deuxième fois, réfléchit, cela ressemblait un petit peu à la vache du fermier, qu’elle avait aidée, il y a des siècles… Et si c’était elle qui s’était métamorphosée en avalant quelque chose de suspect ? Mais comment était-elle parvenue jusqu’ici ? Elle s’approcha, et l’énorme créature tourna la tête. « Ahhhhhhh ! » hurla la fée en manquant de tomber à la renverse. À son tour, la chose cria un « Ahhhh ! » qui faillit faire trembler le mont Rouge, puis se ressaisit et supplia :

– Ne me faites pas de mal. 

Étonnée, la jolie fée s’approcha de ce monstre, tellement il faisait pitié, et lui demanda :

– Mais qui es-tu ? 

Sa question ne fit que retourner le couteau dans la plaie, et il se remit à pleurer de plus en plus fort, en répétant :  

– Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait de si bien, qu’on ne me reconnaisse plus ? 

– Ne vous inquiétez pas, nous pouvons faire connaissance.  

– À force de faire du mal, j’avais une notoriété, et tout le monde me craignait. 

– Pourquoi doit-on te craindre ?

– Mais parce que je suis le diable ! 

Aucun « Ahh ! » ne sortit de la bouche de Joséphine cette fois-ci, elle le regarda un moment, stupéfaite, lui prit les membres supérieurs, qui ne ressemblaient pas, quand même, aux mains des humains, et essaya de l’apaiser. En exhalant une haleine méphitique, il se confia : « Depuis l’aube des temps, je faisais du mal aux gens. Je séparais les amoureux, je montais les voisins les uns contre les autres, je poussais les humains à se faire la guerre. Grâce à moi, des frontières étaient mises en place, des armes étaient fabriquées, et les gens excellaient de plus en plus dans l’art de tuer leurs semblables, de faire souffrir, de torturer. Aujourd’hui l’homme m’a dépassé, m’a surpassé d’une façon très remarquable, vilain qu’il est !» Prise de commisération devant le Malin, qui n’avait fait que du mal durant toute son existence, elle lui proposa : « Puisque l’humain a pris le relais, et commence à se faire mal lui-même, et à en éprouver du plaisir, fais le Bien, toi. Sème l’amour au lieu de la haine, la paix au lieu de la guerre, la santé au lieu de la maladie, l’entente au lieu de la mésentente. » Le Démon la fixa d’un œil ressemblant à une pastèque coupée en longueur, et lui dit : « Veux-tu que je sois la risée des humains ? En plus, il n’y a aucun plaisir dans ce que tu me proposes de faire, aucune suprématie ! » Elle lui répondit : « Autrefois, les gens avaient peur de toi, car tu semais les conflits, la guerre, la haine, aujourd’hui, ils y vont d’eux-mêmes. Ce que craignent les hommes maintenant, c’est d’aimer, c’est de rester en paix avec l’autre, c’est d’aider l’autre. Les gens ne comprennent plus ces choses, cela leur fait peur. Ils croient que l’amour est une faiblesse, alors que c’est une force, ils pensent que l’honnêteté est une preuve de bassesse d’esprit, alors que c’est une maîtrise de soi, la sincérité représente, quant à elle, une grande vertu, ils jugent que la politesse est de l’enfantillage, alors que c’est une qualité considérable. Malheureusement, les humains ne veulent plus de ça, cela les fait trembler de peur. » Là, le diable se leva, sécha ses larmes, ou plutôt la cascade d’eau qui jaillissait de ses yeux-pastèques, et dit d’une voix à peine perceptible : « Ils n’aiment pas ça ? Eh bien, ils vont voir, nous allons bien rigoler… » Puis il sortit, décidé à semer l’amour et la paix dans le monde, car les gens commençaient à avoir peur de ces choses. Quand Joséphine le suivit juste pour lui dire au revoir, de petits flocons de neige commençaient à tomber, le mont n’était plus rouge comme au début, il était devenu immaculé…

 

  • Auteur : Rmili Fatiha
  • Date de parution : 16/11/2017
  • Thème : Le Mal et le Bien
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